Du 17 au 22 novembre 2025, à Genève (Suisse), s’est tenue la onzième Conférence des Parties (COP 11) : au cœur de la critique cette année, le concept même de réduction des risques, qui déplait apparemment fortement à l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS)…
Le nouvel objectif de la COP 11 : discréditer la réduction des risques
Derrière le thème de cette année, « Vingt ans sous le signe du changement – rassembler les générations pour un avenir sans tabac », l’Organisation Mondiale de la Santé a surtout souhaité aborder de nombreux sujets en lien avec les produits alternatifs à la nicotine.
Une table ronde ministérielle organisée par le gouvernement belge s’est ainsi emparée d’une question « urgente » selon l’OMS [1]. Celle de « la dépendance à la nicotine chez les jeunes et les moyens de la prévenir dans un contexte où les cigarettes électroniques et autres nouveaux produits du tabac et produits à base de nicotine sont largement disponibles et commercialisés ».
Mais ce qui a le plus remué les débats cette année n’est autre que le concept de réduction des risques lui-même.
Pour l’OMS, certaines délégations et bon nombre d’organisations financées par Bloomberg, la réduction des risques apparait comme le nouveau moyen trouvé par l’industrie du tabac pour instrumentaliser les décisions, affaiblir les réglementations et maintenir la dépendance nicotinique sous couvert d’innovation technologique.
La péjoration sémantique
On assiste ici à un exemple flagrant de tentative de péjoration (ou détérioration ou dégradation) sémantique. Soit le fait de donner des connotations négatives à un mot initialement neutre, voire positif.
Alors que la réduction des risques est née de professionnels de santé, usagers de drogues, chercheurs ou militants des droits humains pour définir une approche plus pragmatique, une pensée pratique, qui remet au cœur de la réflexion et de l’action les premiers concernés, leurs expériences, leurs vécus et la diversité des situations [2], l’OMS tente ici de discréditer la réduction des risques appliquée au champ du tabagisme en la renvoyant tout simplement aux manigances et manipulations de l’industrie du tabac.
Effaçant par là même la voix des experts (addictologues, tabacologues, professionnels de terrain) comme des utilisateurs eux-mêmes.
Une ingénieuse manœuvre, qui déplace le débat. Le problème n’est plus de savoir si la réduction des risques fonctionne, mais de semer le doute quant à ses intentions premières – en jouant la fameuse carte de l’ingérence de l’industrie du tabac.
« La nicotine est une substance toxique, nous estimons qu’il est important de rester vigilant […] les affirmations de réduction des risques ne doivent pas être utilisées pour l’augmentation du marché des nouveaux produits du tabac et de la nicotine », a ainsi déclaré l’Union européenne lors de la COP 11.
Un débat irrésolu
Faute de temps, la Présidence a dû mettre fin à la COP 11, samedi 22 novembre 2025, sans consensus établi sur la réduction des risques. Les organisations anti nicotine se sont évidemment empressées de crier au sabotage.
Pourtant, force est de constater que de nombreuses délégations ont souhaité avancer plus intelligemment sur ce point. Sans succès.
À commencer par la délégation de Saint-Christophe-et-Niévès qui a proposé la création d’un groupe de travail des États parties sur la question de la réduction des risques, en se fondant sur son expérience en matière de lutte contre le VIH et le Sida. L’objectif : permettre aux États parties de faire part de leurs expériences nationales en matière de réduction des risques.
Mais l’OMS continue de préférer ses propres réseaux d’information. Qu’importe qu’ils recèlent également de nombreux conflits d’intérêts, avec le géant Bloomberg notamment.
S’appuyant sur le rapport de chercheurs de l’université de Bath du Tobacco Control Research Group (étrangement en partenariat avec Bloomberg [3]), l’OMS estime ainsi que le lien entre produits alternatifs et baisse du tabagisme n’est pas avéré. Et, qu’au contraire, l’introduction de ces méthodes aurait contribué à générer une dépendance nicotinique chez les jeunes comme au retour du tabagisme dans les pays concernés. C’est-à-dire le Japon, la Suède ou encore le Royaume-Uni. Soit précisément les pays cités par les défenseurs de la réduction des risques.
Les suites en Europe
On sait la Commission européenne très sensible aux recommandations de l’OMS. Or, à travers la Convention-Cadre de Lutte AntiTabac (CCLAT), cette dernière n’en démord pas. Les seuls produits légitimes de sortie du tabagisme à ses yeux sont les thérapies de substitution nicotinique officielles. Le reste (vapotage, sachets de nicotine…) n’a pas lieu d’être.
À l’aube d’une révision de la Directive européenne des Produits du Tabac (TPD), le combat s’annonce ardu. À la mi-2026, l’Union européenne pourrait décider d’imposer une taxation européenne des produits du vapotage voire une restriction des arômes comme l’interdiction totale de certains produits.
Sources
[1] Les dirigeants gouvernementaux ouvrent une réunion cruciale pour lutter contre l’épidémie mondiale de tabagisme, Communiqué de presse, OMS, 17 novembre 2025
[2] Histoire et principes de la réduction des risques, Entre santé publique et changement social, Médecins du Monde, 2013 (Version PDF téléchargeable, en français)
[3] Tobacco Control Research Group research projects, Fiche d’information, Université de Bath [consulté le 24/11/2025]





