L’Union Européenne semble vouloir se diriger vers la mise en place d’une taxe sur les produits de la vape (Révision de la Directive de 2011 sur les “accises”).
Vers une taxe sur la vape au niveau européen
Le site internet Euractiv, média spécialisé dans les actualités européennes, a révélé que le Conseil de l’Union européenne, qui regroupe les ministres de chaque État membre, souhaiterait rédiger une note réclamant une refonte de la dernière directive européenne relative à la vape et au tabac chauffé, notamment au niveau fiscal, et donc la mise en place d’une taxe sur les produits de la vape.
La note du Conseil serait la suivante : « Les dispositions actuelles de la directive 2011/64/UE sont devenues moins efficaces, car elles ne sont plus suffisantes ou trop précises pour répondre aux défis actuels et futurs que représentent certains produits, comme les liquides pour cigarettes électroniques, les produits à base de tabac chauffé et d’autres nouvelles générations de produits qui entrent sur le marché. Il est donc urgent et nécessaire d’améliorer le cadre législatif de l’UE, afin de relever les défis actuels et futurs que pose le fonctionnement du marché intérieur, en harmonisant les définitions et le régime fiscal de [ces] nouveaux produits – y compris ceux qui remplacent le tabac, qu’ils contiennent ou non de la nicotine, pour éviter le flou juridique et les disparités réglementaires au sein de l’UE. »
La politique fiscale est une compétence qui appartient largement aux États membres. En effet, le pouvoir d’imposition relève de la compétence de ces derniers, l’Union européenne n’ayant qu’un pouvoir limité dans ce domaine. L’adoption d’une législation fiscale à l’échelle européenne requiert ainsi l’unanimité des voix au Conseil. Chaque gouvernement y dispose donc d’un droit de veto.
Ces directives ont été transmises à la Commission européenne qui a été chargée de présenter des propositions législatives au Conseil de l’UE, après avoir pris avis du Parlement Européen et du Comité . Le Conseil de l’UE a seul à le droit d’établir une taxation au niveau européen par un vote à l’unanimité de ses membres par la mise en place d’un droit d’accise notamment qui serait normé pour l’ensemble des pays européens.
Qu’est-ce qu’un droit d’accise ?
Le droit d’accise est un impôt indirect perçu sur la consommation, parfois aussi le seul commerce de certains produits, en particulier le tabac, l’alcool et le pétrole et ses dérivés.
Les droits d’accises sont donc des taxes indirectes sur la vente ou l’utilisation de certains produits. Il s’agit généralement d’un montant par quantité de produits, par exemple par kg, par hl, par degré d’alcool ou par 1 000 pièces, etc.
Toutes les recettes tirées de ces droits reviennent entièrement aux États membres.
Quelques exemples de la taxation des produits du vapotage en Europe et ses conséquences :
Le Portugal :
Le 1er janvier 2015, le Portugal a introduit une taxe sur les e-liquides nicotinés fixée à 0,60 €/ml de e-liquide , soit une taxe de 6€ sur une fiole de 10 ml.
Conséquences de la taxe sur la vape au Portugal:
– Augmentation continue des ventes de cigarettes traditionnelles et diminution du nombre d’utilisateurs de cigarettes électroniques, alors que le mouvement inverse avait été conduit depuis 2012 ;
– Fermeture de nombreux magasins de vapotage ;
– Développement d’un marché informel à la frontière espagnole ;
– Développement de DIY combinant des e-liquides hautement nicotinés (supérieur au taux / TPD) provenant de marchés transfrontaliers
– Aucune recette fiscale, car la hausse des prix a fait chuter les ventes. En effet, quasiment aucune taxe n’a été perçue en 2015 et elle n’a rapporté que 1,7 million d’euros en 2016, un montant insignifiant comparé aux 600 millions d’euros de recettes fiscales provenant des produits du tabac.
Ce constat globalement négatif a probablement incité le gouvernement portugais à revoir la taxe à la baisse, puis qu’il a réduit la taxe sur les e-liquides nicotinés à 0,30€/ml le 1er janvier 2017.
L’Italie :
Le 1er janvier 2015, l’Italie a introduit une taxe de 0,373 € / ml (en plus de la TVA) applicable sur l’ensemble des e-liquides, la taxation des flacons non nicotinés n’étant intervenue qu’en novembre 2017 qui sont eux taxés à la moitié des flacons nicotinés. Elle a ensuite été portée à 0,385 €/ml le 1er janvier 2016, puis à 0,3933 €/ ml à compter du 1er janvier 2017. Sur la période , le prix d’un flacon de 10 ml a augmenté à minima de 4€ pour une fiole de 10 ml.
En 2018, la taxe a été ramenée à 40 centimes pour un flacon de 10 ml non nicotiné
Puis, en 2019, cette taxation a été indexée sur le prix du flacon d’e-liquide à 5 % pour les produits non nicotinés et 10 % pour les produits nicotinés. Cette taxation est passée à respectivement 10 et 15 % en 2020 avant de redevenir à une taxation à 5 et 10 % en 2021.
En outre, cette politique de taxation qui s’est accompagnée d’une limitation de l’accès aux différents réseaux de distribution avec notamment une interdiction des ventes à distance et la limitation des ventes autorisées avec la mise en place de licences permettant de vendre des e-cigarettes.
Conséquences de la taxe sur la vape en Italie :
La combinaison du coup de massue fiscal et de la forte réduction de la concurrence des lieux de distribution a donné lieu :
– une baisse de 35 % du nombre d’utilisateurs de la e-cig en 2017 et de 15 % supplémentaires en 2018 ;
– à une explosion des tarifs des e-liquides ;
– au développement des achats transfrontaliers, notamment en Slovénie (ventes en ligne sans possibilité de percevoir des droits d’accises) ;
– a permis le développement du marché noir ;
– a réduit le nombre de boutiques existantes de 4000 à 1000, supprimant ainsi plus de 8000 emplois.
– une augmentation de 500 000 fumeurs en un an. Le tabagisme en Italie est revenu au niveau qu’il avait en 2007 ;
En outre, les recettes fiscales générées par la mise en place de la taxe sur la vape sont très faibles : sur les 85 millions d’euros de rentrées fiscales attendues, seuls 5 millions d’euros ont été collectés en 2015 et environ 3 millions au cours des 11 premiers mois de 2016.
Le paradoxe de la taxation de la vape
Une fiscalité calquée sur celle du tabac appliquée à des produits dérivés tels que la cigarette électronique présentant un niveau de risques réduits par rapport à la cigarette est totalement paradoxale et à terme serait contre-productive par rapport aux objectifs tels que les définit la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives : « La réduction des risques se réclame d’une démarche de santé publique pragmatique en ce qu’elle entend limiter les risques liés à la consommation, sans nécessairement avoir comme premier objectif le sevrage et l’abstinence ».
Certes la nicotine est une substance addictive, mais elle n’est pas toxique. C’est la combustion qui génère les composés toxiques inhérents à la fumée du tabac inhalés par les consommateurs. En supprimant la combustion, la cigarette électronique qui par ailleurs ne contient pas de tabac, réduit significativement l’inhalation de composés toxiques. Un nombre croissant d’agences de santé, telles que la Public Health England (GB) ou la Food and Drugs Administration (USA), d’études et d’enquêtes, reconnaissent le potentiel de réduction des risques par rapport au tabac fumé, de la cigarette électronique et démontrent par de nombreux exemples et témoignages, la contribution de ces produits à risques réduits, dans la diminution de la consommation de tabac fumé à travers le monde.
Une enquête menée par l’ETHRA paru en 2020 montre que plus de 93 % des fumeurs ont cité la réduction des risques et l’amélioration de leur santé comme raisons de l’adoption de ces produits. Mais aussi faire des économies… Une des motivations premières des Français.
Ce constat sur la taxe sur la vape devrait pousser les pouvoirs publics à réfléchir à une fiscalité adaptée en fonction des risques et bénéfices pour la santé des consommateurs, basant ainsi leur politique fiscale sur son impact sur la santé publique et non sur les recettes fiscales générées.
(Sources : “Vapotage et fiscalité : enjeux, risques et perspectives”. Ernst&Young – 2019 / Euromonitor international ” smokeless tobacco and vapour products in Portugal “, rapport 2018 /
Commission européenne – “Étude sur la directive 2011/64/UE du Conseil sur la structure et les taux de l’impôt sur le revenu des personnes physiques”.
Droit d’accise appliqué aux tabacs manufacturés “, Rapport final, volume 1, mai 2017)