Définir les sachets “pouches” de nicotine comme produit du tabac, c’est peut-être la prochaine étape de la fameuse loi Tobacco and Vapes Bill au Royaume-Uni. Alors que la chambre des Lords n’a pas encore statué sur cette grande mesure qui prévoit, entre autres choses, une interdiction générationnelle de fumer, des députés demandent une répression vive et franche de ces nouveaux produits nicotinés, qu’ils accusent de vouloir corrompre la jeunesse. Explications.
Le snus et la vape déjà concernés par la loi Tobacco and Vapes Bill
À travers sa loi Tobacco and Vapes Bill, déjà approuvée par la chambre des communes en mars dernier, le Royaume-Uni souhaite notamment interdire à toute personne née après le 1er janvier 2009 de pouvoir se procurer des cigarettes et de fumer.
Cette mesure phare, saluée dans le monde entier, s’accompagne également de plusieurs autres actions à l’encontre des produits du tabac et du vapotage. Les dernières notes explicatives du gouvernement britannique, publiées le 27 mars 2025 ¹, définissent par ailleurs clairement les interdictions relatives à la vente et l’utilisation du snus.
« Interdiction de fabriquer du snus […] Interdiction de vente de snus […] Sanctions en cas de possession de snus […] Pouvoirs de saisie et de détention » – Tobacco and Vapes Bill Part 1 (7-8-9), Part 2 (55-56-57), Part 3 (73-74-77), Part 4
En plus de cliver les débats, le snus étant utilisé depuis des décennies en Suède pour lutter contre le tabagisme – ce qui a brillamment fonctionné – un autre problème se pose pour les détracteurs de ces nouveaux produits oraux. Aucune régulation n’est prévue pour son dérivé sans tabac, le sachet pouche de nicotine.
Réguler les sachets de nicotine au Royaume-Uni : ce que défendent certains
Pour la ministre de la Santé publique et de la Santé des femmes de l’Écosse, Jenni Minto, peu importe que ces sachets de nicotine ne contiennent pas de tabac, à l’inverse du snus. Qu’importe également qu’ils réduisent grandement les risques pour la santé du fait de l’absence de combustion. Elle y voit tout de même un danger, pour la population jeune comme adulte.
Un avis rejoint par la professeure Linda Bauld, conseillère principale en santé, qui a partagé son inquiétude quant à l’essor de ce type de produit ces dernières années. Auditionnée lors d’une réunion au Comité écossais de la Santé, elle a tout de même reconnu les sachets de nicotine pouche « probablement beaucoup moins nocifs que les cigarettes ».
Si l’on pense en termes d’échelle, de continuum du risque, en effet, les pouches sont considérés plus sûrs encore que les produits du vapotage – eux-mêmes reconnus comme étant à minima 95 % moins risqués que la cigarette de tabac à fumer.
S’appuyer sur les pouches pour réduire encore les risques : ce que défendent les autres
C’est notamment sur ce point crucial que se rejoignent les experts et professionnels de terrain. Sans combustion, le snus réduit déjà les risques. Sans combustion et sans tabac cette fois, le sachet pouche de nicotine les restreint encore. C’est d’ailleurs exactement dans cet objectif que le professeur suédois Karl Fagerström, spécialiste de la lutte antitabagique et inventeur du fameux test de dépendance à la nicotine, les a créés ².
Pour ces addictologues et tabacologues de métier, bien renseignés sur la question des addictions, l’essor de tels produits est plutôt une bonne chose. Preuve de leur efficacité auprès des fumeurs.
Aussi, comme le Royaume-Uni a su utiliser intelligemment le vapotage pour accompagner les fumeurs loin des dangers de la cigarette, les défenseurs de la réduction des risques l’invitent à faire de même avec les sachets de nicotine. Et à aller plus loin, en accordant à tous les produits de réduction des risques une législation différenciée.
Faute de quoi, la loi Tobacco and Vapes Bill entretiendra la confusion dans les esprits. Pire encore, elle donnera au gouvernement la possibilité d’engager des actions plus drastiques à l’avenir, ciblant pareillement le problème (le tabac fumé) et ses solutions (les nouveaux produits nicotinés dans combustion).
En définitive, comme bien d’autres pays, le Royaume-Uni fait l’erreur de vouloir une seule et même législation pour les produits du tabac combustibles et les alternatives sans fumée. Quand bien même les risques inhérents à ces deux types de produits et les objectifs qu’ils poursuivent sont strictement opposés.
Notes
¹ Notes explicatives, Tobacco and Vapes Bill, HL Bill 89 (version PDF téléchargeable, en anglais)
² Retrouvez le témoignage complet du professeur Karl Fagerström dans la série Tais-toi et fume ! Épisode 1 : la méthode suédoise, sur Youtube
