*Crédit Photo : G.Garitan, CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons
En France, une limitation de la teneur maximale en nicotine comme des arômes pourrait voir le jour sous peu. La ministre de la Santé Catherine Vautrin l’avait annoncée à l’occasion de la Journée Mondiale Sans Tabac 2025, le 31 mai dernier. Elle l’a de nouveau confirmée ce jeudi 12 juin au micro d’Europe1.
Selon ses dires, la ministre de la Santé souhaiterait non seulement abaisser le taux maximum légal de nicotine, mais également supprimer 50 000 saveurs, qu’elle accuse de “créer une addiction”.
Explication, et démenti scientifique.
France : une loi de limitation de la nicotine et des arômes ?
C’est du moins ce que souhaite la ministre de la Santé, Catherine Vautrin, qui a profité de l’entrée en vigueur prochaine d’une mesure d’extension des espaces sans fumée pour l’annoncer.
L’objectif ? Accompagner la généralisation des espaces sans tabac d’une :
- Réduction du taux de nicotine autorisé dans les produits du tabac et du vapotage ;
- Limitation stricte des arômes dans les produits de vapotage.
Des mesures essentielles d’après elle pour « briser la dépendance dès la racine » et lutter contre les « portes d’entrée vers la dépendance » ¹.
« Vapoter, c’est un outil de sevrage. Ce que je vais faire, c’est baisser le taux de nicotine et arrêter 50 000 parfums, qui peuvent eux aussi créer une addiction », a ainsi déclaré la ministre lors de sa grande interview avec Sonia Mabrouk, jeudi 12 juin 2025, sur Europe1 ².
Limiter la nicotine : pourquoi est-ce une très mauvaise idée
On assiste ici à un non-sens évident. Car si vapoter est un outil de sevrage – et le meilleur qui plus est – c’est justement parce qu’il délivre assez de nicotine pour permettre aux personnes fumeuses de se détacher de la cigarette et de ses dangers.
« La ministre de la Santé souhaite diminuer le taux de nicotine dans les cigarettes électroniques. Et là je dis attention. C’est une mauvaise idée. Le taux de nicotine doit être suffisant pour permettre aux personnes fumeuses de sortir du tabagisme. Sinon, elles retourneront vers la cigarette » – Dre Marion Adler
Actuellement, le taux de nicotine maximal autorisé dans les produits du vapotage est fixé à 20 mg/ml. Ce n’est pas une exception française : ce seuil est commun à tous les autres pays européens, en vertu de la Directive européenne sur les Produits du Tabac (ou TPD).
Une telle mesure pose donc question, tant au niveau de sa pertinence que des effets qu’elle pourrait engendrer. Car si la nicotine est une molécule addictive, il a d’ores et déjà été prouvé qu’elle l’est d’autant moins dans un produit du vapotage.
Qu’on ne s’y trompe pas. Réduire les dosages nicotiniques dans les produits du vapotage n’aura qu’un seul effet. Celui d’inciter les consommateurs à délaisser de telles alternatives au profit de la cigarette – ou à se fournir ailleurs pour contourner la législation.
Sans oublier qu’en réduisant mêmement la nicotine dans les produits du tabac à fumer, les personnes fumeuses seront amenées à fumer davantage, afin de retrouver leur dose de nicotine journalière (ce fameux “craving”). Et donc, de fait, à ingérer davantage de goudrons et de substances toxiques et cancérigènes.
C’est d’ailleurs exactement pour cela que les cigarettes light ont été interdites par le passé.
Arômes, addiction et effet passerelle : ce faux débat
En ce qui concerne la limitation de certains arômes et de leur pouvoir soi-disant addictif, on tombe carrément dans la désinformation.
Non seulement aucune étude n’a jamais prouvé un tel lien, mais une écrasante majorité a déjà témoigné de leur importance dans le sevrage par la vape.
Qu’il s’agisse des goûts “bonbon”, “gourmand”, “fruité”, “frais” ou “mentholé”, tous jouent un rôle primordial dans la réussite du sevrage, au même titre qu’une saveur dite “classic” (goût tabac). Si un tel panel de parfums existe, c’est pour permettre à chaque utilisateur de trouver celui qui lui convient. C’est-à-dire celui qui lui permettra de résister à la tentation de reprendre une cigarette.
Retirer un tel choix aux consommateurs, c’est les contraindre à subir des saveurs qui ne leur plairont pas. Et donc, les priver d’une motivation essentielle : celle d’arrêter de fumer avec plaisir.
Par ailleurs, on connait déjà les conséquences d’une telle mesure.
Aux États-Unis, elle a donné lieu à un regain sans précédent du tabagisme (près de 12 cigarettes vendues en plus pour chaque arôme de vapotage retiré du marché). Au Québec, le nombre de nouveaux fumeurs est monté en flèche – en plus de se doubler de dangereux comportements (achats sur le marché noir, préparations maison à partir d’ingrédients non contrôlés…).
En résumé
On le répétera jamais assez. La nicotine est certes en grande partie responsable de la dépendance tabagique. Mais elle reste l’élément clé d’un sevrage tabagique réussi.
Quant aux arômes, ils n’ont rien d’addictifs ou de pernicieusement attractifs. Présents depuis la création de la toute première cigarette électronique, ils sont tout simplement les garants d’un arrêt tabagique plaisant et motivant. Et s’il y a bien une notion qui fait consensus aujourd’hui dans la littérature scientifique, c’est celle-ci : vapoter ne conduit pas à fumer. Comme la nicotine, les arômes utilisés dans les produits du vapotage sont destinés à aider les personnes fumeuses. Non à appâter les non-fumeurs.
Aussi, les limiter n’aidera en rien la lutte contre le tabagisme. Bien au contraire. Loin de « renforcer la prévention et la protection des plus jeunes » comme le souhaite le gouvernement français, cette mesure ne fera qu’inciter les fumeurs à rester fumeurs. Et les jeunes vapoteurs à contourner toujours plus les règles, inconscients des dangers sanitaires auxquels ils s’exposent.
Sources
¹ Communiqué de presse. Vers une génération sans tabac : des espaces sans tabac dès le 1er juillet 2025 et de nouvelles mesures pour renforcer la prévention et la protection des plus jeunes. Cabinet de Mme Catherine VAUTRIN et de M. Yannick NEUDER. 30 mai 2025.
² La Grande Interview : Catherine Vautrin, avec Sonia Mabrouk sur Europe1. 12 juin 2025 (de 14:20 à 15:05).