Le détail du prochain programme de lutte contre le tabac (PNLT 2023-2027) a été révélé. Sans surprise, il s’inscrit dans la continuité des annonces faites par le ministre de la Santé, Aurélien Rousseau, le 28 novembre dernier : 26 actions antitabac… mais surtout antivape, sous couvert de protection de la jeunesse. Un décryptage s’impose.
PNLT : un plan antitabac… et antivape désormais
Uniformisation de la taxation des produits du tabac aux autres produits assimilés, dont le vapotage, renforcement des contrôles et des sanctions pour tous les produits du vapotage, avec ou sans nicotine, mise en place du paquet neutre et possible limitation des arômes… En présentant de telles mesures le 28 novembre dernier, en conférence de presse, le ministre de la Santé avait bien exprimé le souhait du gouvernement français : combattre la vape, au même titre que le tabac.
À la lecture du PNLT (1), et dès le préambule, cette démarche se confirme : la guerre contre la vape a commencé. Le prochain programme national de lutte contre le tabac sera également un programme national de lutte contre la vape.
Se félicitant du « bilan positif » du dernier PNLT de 2018-2022, qui aurait notamment permis d’abaisser significativement la prévalence du tabagisme quotidien chez les jeunes (de 25,1 % en 2017 à 15,6 % en 2022), la France le montre bien : elle refuse de se poser les bonnes questions. Car, d’après elle, la hausse qu’a connue le vapotage chez les jeunes à cette même période n’est en rien responsable de cette baisse inédite. Peu lui importe les chiffres, qui démontrent bien, eux, de cette réalité.
Au contraire, il ne faut attendre que le troisième paragraphe seulement pour que la vape tout entière soit même définie comme LE nouveau mal du 21e siècle : « Par ailleurs, les produits du vapotage ont tendance à être banalisés chez les adolescents. Il est indispensable de prendre des mesures pour corriger cette tendance, compte tenu des risques d’entrée dans la dépendance nicotinique que ces produits, souvent conçus pour les cibler, font peser sur les jeunes Français » (p.9).
Le message est clair : loin d’un outil d’aide au sevrage pour les fumeurs adultes, comme d’une méthode de réduction des risques, la vape est ainsi seulement vue comme une dangereuse porte d’entrée vers le tabagisme. Soit précisément ce qu’elle n’est pas.
Plan antitabac : des mesures antivape… sous couvert de protection de la jeunesse
On vous l’a dit juste avant : dans le plan antitabac 2023-2027, dès que la vape est mentionnée, le prétexte des jeunes n’est jamais bien loin.
Aussi, les mesures phares contre la vape se trouvent-elles en majeure partie regroupées dans un axe bien spécifique, le premier du dossier, intitulé « Prévenir l’entrée dans le tabagisme, en particulier chez les jeunes ». Et plus précisément dans la section « Action n°4 : Diminuer l’attractivité des produits du tabac et du vapotage » (p.27).
Inquiet de « l’effet incitatif des emballages », de « l’apparition de dispositifs jetables prêts à l’emploi, aromatisés et économiquement très abordables », mais aussi du « développement des produits sans nicotine et des pratiques comme le do it yourself (DIY) », le gouvernement prévoit :
- De généraliser le paquet neutre à l’ensemble des produits du vapotage. Aucune précision n’est amenée, si ce n’est qu’il s’agira d’un « format standardisé du conditionnement, pour chaque type de produit (tailles maximales, couleurs, police d’écriture, filtre, papier) »;
- D’interdire les cigarettes électroniques jetables. Une mesure en très bonne voie si l’on en croit le récent vote de l’Assemblée nationale;
- D’engager un travail de réflexion autour d’une possible limitation des arômes autorisés. Toutes les parties prenantes sont dites conviées, et ce travail concernera uniquement « les produits du vapotage remplissables (liquides) ou rechargeables (cartouches), attractifs auprès des jeunes ».
De même, dans l’optique de « poursuivre la limitation de l’accessibilité financière aux produits du tabac » (Action n°5, p.28), le gouvernement souhaite également « rapprocher la fiscalité de l’ensemble des produits du tabac avec ou sans combustion ».
Au regard des « arguments » avancés, comment ne pas y voir une référence flagrante à la fameuse théorie de l’effet passerelle, qui veut qu’un jeune non-fumeur, attiré par les produits du vapotage, se tourne ensuite vers la cigarette de tabac ? Théorie qui continue pourtant d’être réfutée par des chercheurs du monde entier, preuves à l’appui (2) !
Dans son communiqué de presse du 28 novembre 2023, comme lors de son interview pour La Croix, ce 8 décembre dernier, le mouvement #JESUISVAPOTEUR n’a pas manqué d’alerter : la vape n’est pas le tabac. Elle n’est pas une menace à combattre, et il est justement primordial qu’elle reste plus attractive que le tabac, puisqu’elle permet non d’y entrer, mais d’en sortir !
France : après les mesures de prévention antitabac, des mesures de prévention antivape ?
« Accompagner les fumeurs vers l’arrêt du tabac » et « améliorer la connaissance sur les dangers liés au tabac et les interventions pertinentes » font également partie des cinq objectifs visés par le prochain plan antitabac.
Pourtant, aucune des mesures de prévention antitabac annoncées dans le PNLT 2023-2027 ne s’appuie sur la vape, cette méthode avérée de réduction des risques, 95 % moins nocive au moins que le tabac, et qui reste, selon la dernière étude Cochrane, le moyen le plus efficace pour arrêter de fumer.
Plutôt que de reconnaitre les bénéfices de la vape dans l’arrêt du tabac, le gouvernement entend seulement renforcer « l’accessibilité des traitements de substitution nicotinique » (Action n°10, p.34) et les dispositifs d’accompagnement comme « Tabac Info Service » (Action n°11, p.35) qui sont loin de faire l’unanimité auprès des fumeurs français.
Les professionnels de santé continueront donc à ne pas être formés sur les produits du vapotage et les institutions de santé à être invitées à les déconseiller. Tout cela, dans l’optique de bien accompagner les fumeurs dans leur sevrage tabagique, évidemment !
Si le ministre de la Santé s’était targué à plusieurs reprises de vouloir encadrer la vape afin de protéger les jeunes, sans pour autant pénaliser les fumeurs adultes, le PNLT est loin de lui donner raison.
Lorsque la vape est citée, c’est uniquement au travers des dangers du tabac. De quoi contribuer largement à la désinformation autour de ce produit sans combustion. Mais surtout, de quoi justifier des mesures telles que le renforcement de la « surveillance sur les produits du tabac et du vapotage » (Action n°26, p.53).
Comme il a commencé, le gouvernement finit. Cette dernière mesure du PNLT entend ainsi :
- « Étendre à tous les produits du vapotage les obligations des produits avec nicotine et la surveillance réalisée par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) aux produits du vapotage sans nicotine et aux appareils électroniques »;
- « Élaborer une feuille de route cohérente sur la réglementation applicable à l’ensemble des produits nicotinés, comme les sachets de nicotine »;
- Et enfin « renforcer le dispositif de surveillance du marché des produits du vapotage et des produits non médicamenteux contenant de la nicotine (du signalement du produit non conforme aux sanctions)».
Du début à la fin, les maîtres mots pour justifier la répression de la vape auront été : piège des industriels du tabac et menace de santé publique – en particulier pour les jeunes. Une prise de position totalement en adéquation avec celle de l’OMS donc.
Sources :
(1) Le Programme national de lutte contre le tabac (PNLT) 2023-2027, Les 26 mesures détaillées (version PDF téléchargeable)
(2) Voir les conclusions de l’étude française de l’Institut national du cancer (INCa) et l’Institut pour la recherche en santé publique (IRESP) sur l’effet passerelle dans la Loire – octobre 2023 : aucun effet passerelle observé dans la Loire ;
Voir les conclusions de l’étude systématique de six experts français sur l’effet passerelle – octobre 2023 : 23 publications réfutées ;
Voir les conclusions de l’étude anglaise de l’Institut national de recherche britannique sur la santé et les soins (NIHR) sur l’effet passerelle – septembre 2023 : vapoter ne conduit pas à fumer ;
Voir les conclusions de l’étude américaine sur l’effet passerelle – septembre 2023 : un effet barrière et non un effet passerelle ;