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Santé Respiratoire prend position pour la vape

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Le 4 janvier de cette année, le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) a publié un avis sur l’intérêt et la sécurité de la cigarette électronique, qui « souligne que les connaissances fondées sur les preuves sont insuffisantes pour proposer les SEDEN comme aides au sevrage tabagique dans la prise en charge des fumeurs par les professionnels de santé. Ainsi, les professionnels de santé qui accompagnent un fumeur dans une démarche de sevrage tabagique se doivent d’utiliser des traitements médicamenteux ou non, ayant prouvé leur efficacité. »
Cet avis a provoqué une controverse au sein de la communauté des experts qui se sont affrontés, à coup d’arguments scientifiques, mais également de pratiques de terrain et de bon sens. Santé Respiratoire France prend à son tour position sur cet épineux sujet.

Santé Respiratoire France qu’est ce que c’est ?

L’association Santé Respiratoire France rassemble aujourd’hui plus de 4 000 adhérents, patients et professionnels de santé. Elle contribue, par ses actions, à améliorer la prise en charge, mais également la qualité de vie des 10 millions de personnes touchées par les maladies respiratoires chroniques en France et celle de leurs proches. Ces maladies, au 4e rang des causes de mortalité selon l’OMS, sont en augmentation. Elles ont en commun des facteurs de risque et d’aggravation – environnementaux, modes de vie… – et souffrent des mêmes insuffisances : détection, accès aux soins, inclusion des malades dans la société. Ce constat a mené l’association, créée en 2003 sous le nom d’Association BPCO, à élargir en 2019 son champ aux maladies respiratoires chroniques dans leur globalité. Ses missions sont d’Alerter l’opinion et les pouvoirs publics, d’Innover en favorisant l’émergence de solutions et de Rassembler.

Santé Respiratoire France prend position :

« Oui, la cigarette électronique peut aider au sevrage du tabac. Et lorsque cette démarche est accompagnée par un professionnel de santé, c’est encore mieux ! »

Cette prise de position allant à l’encontre de l’avis sur l’intérêt et la sécurité de la cigarette électronique est argumentée et raisonnée. Le HCSP ne condamnant pas pour autant les produits de substitution nicotinique comme la vape, pouvant être « utilisés hors système de santé » puisqu’il n’est pas exclu que leur rapport-bénéfice/risque « puisse représenter une aide pour certains consommateurs et contribuer ainsi à améliorer leur santé ». De plus, pour le HCSP, la tolérance de la cigarette électronique apparaît satisfaisante, même s’il constate que les données à long terme font défaut.

Une prise de position raisonnée.

 C’est une « position schizophrène », affirme, le Pr Bertrand Dautzenberg, professeur reconnu dans le milieu de la prévention tabagique, professeur honoraire Sorbonne Université (AP-HP), pneumologue et tabacologue à l’Institut Arthur Vernes (Paris).
Ce distinguo entre professionnels de santé et grand public pose un problème, comme l’explique Bertrand Dautzenberg : « Certaines conclusions ne sont pas des faits scientifiques, mais des opinions avec lesquelles je suis en désaccord. Alors que le Haut conseil décrit la vape comme un bon moyen de sevrage pour le fumeur souhaitant arrêter le tabac sans l’aide d’un professionnel de santé, il refuse au médecin la possibilité de la conseiller ! Quel médicament est bon lorsqu’il est pris en automédication et déconseillé lorsqu’il est prescrit par un médecin ? » Avec de nombreux collègues, nous avons acquis l’opinion que la vape est un outil d’aide aux victimes du tabac, qui est encore plus efficace s’il est intégré à la prise en charge par les soignants. Aucune étude scientifique citée par le HCSP n’évoque le fait qu’il soit nuisible que les soignants conseillent – entre autres moyens de servage – la vape. »

Pour le tabacologue, l’avis du HCSP ne prend pas en compte deux faits essentiels : « Il néglige que plus de la moitié des fumeurs qui passent à la vape l’arrêtent après un certain temps. Il ignore par ailleurs la baisse progressive, mais importante, de la consommation quotidienne de nicotine qui accompagne l’arrêt complet de la cigarette durant les trois mois qui suivent l’arrêt chez presque tous les vapoteurs, comme ceux qui sont sous patchs ou autres substituts nicotiniques. Dans ma pratique, près de 60 % de mes patients vapotent et sont en parallèle sous substituts nicotiniques ; l’immense majorité réduit les doses quotidiennes de nicotine après le premier mois sans tabac. La majorité stoppe la vape dans les six mois qui suivent l’arrêt du tabac. »

En résumé, exclure ainsi la vape présente l’inconvénient d’une moins bonne prise en charge des fumeurs, privés d’un accompagnement professionnel. Nombre de spécialistes estiment que la vape a sa place dans l’arsenal médical : « La cigarette fumée augmente le besoin de nicotine et maintient la dépendance, alors qu’avec la vape – comme avec les patchs et les gommes à la nicotine – le nombre de ses récepteurs (qui entretiennent la dépendance) chute chez 90 % des vapoteurs, illustre-t-il. Cela explique pourquoi la vape se pose comme un outil potentiel de sortie du tabagisme qui s’ajoute aux aides existantes. »

Un point de vue partagé par la Dr Anne-Marie Ruppert, de l’unité de tabacologie de l’hôpital Tenon (Paris), lors du congrès de la Société de pneumologie de langue française, le rendez-vous annuel de la spécialité qui réunissait les pneumologues français à Lille, du 21 au 23 janvier 2022.

Une opinion sur le rôle du Haut conseil de santé publique que partage le Dr Frédéric le Guillou, pneumologue-allergologue, tabacologue et président de l’association Santé respiratoire France, association mixte patients-professionnels de santé dans le champ des maladies respiratoires : « On pouvait s’attendre à ces conclusions de la part du HCSP ; la saisine leur imposant de comparer un médicament soumis à la rigueur de l’AMM à un produit de consommation courante et n’ayant à son actif que de rares études de piètre qualité. Cela illustre deux visions : la médecine fondée sur les preuves dans le cadre d’une démarche collective, versus l’utilisation au niveau individuel d’un produit largement distribué. »
« Il faut cependant se placer là dans une prise en charge sociétale de la dépendance au tabac et pas uniquement pharmacologique », ajoute le Dr Frédéric le Guillou. « C’est toute la limite de la démarche scientifique. En effet, dans un objectif de levée d’addiction, il ne faut pas à mon sens se poser sur un plan uniquement scientifique, mais plus global, et savoir exploiter les aides qui n’ont pas forcément répondu aux mêmes démarches de validation, à savoir les thérapies cognitivo-comportementales, l’hypnose, l’acupuncture, etc. »

Pour Frédéric Le Guillou, cette position n’est pas concevable dans le cadre de la relation singulière entre le médecin et son patient. « Je suis en désaccord avec l’avis du HCSP lorsqu’il déconseille aux médecins de l’utiliser car, la plupart du temps, nous nous trouvons dans le cadre d’une décision partagée, et de plus la e-cigarette n’est pas délivrée sur prescription médicale. Avec les substituts nicotiniques, on ne répond pas à 75 % des personnes en demande de sevrage tabagique. À partir du moment où un patient nous consulte et s’investit dans ce type de démarche, il est en droit de ne pas vouloir des substituts nicotiniques, dont on connaît les limites, et le professionnel devrait pouvoir lui proposer d’autres solutions. Cela vaut pour l’ensemble des méthodes qui peuvent aider au sevrage, à l’échelon individuel. »

Le HCSP justifie sa position.

Il y a une chance accrue de sevrage tabagique sous e-cigarette, reconnait le HCSP, mais c’est un choix individuel, écrit l’instance.

Cet avis est destiné aux professionnels de santé au sens large, ainsi qu’à la population, et « nous avons pris soin dans nos recommandations de distinguer ces deux publics », rappelle le Dr Ivan Berlin, co-responsable du DIU de tabacologie de l’Université Paris-Saclay, Hôpital Pitié-Salpêtrière – Sorbonne Université (Paris), membre du groupe de travail de cet avis du HCSP.
Et d’ajouter : « La qualité des données sur le rapport bénéfice-risque de la cigarette électronique est si faible qu’il nous est déontologiquement impossible de la conseiller dans un objectif de sevrage tabagique par un professionnel de santé. » Il ne s’agit pas d’une question d’opinion, précise le spécialiste, mais simplement d’un manque de données selon les normes internationales pour se prononcer.
« L’hypothèse est forte que la cigarette électronique soit une aide réelle à l’arrêt du tabac. En revanche, aucune étude ne relève les effets indésirables ni ne l’a comparée aux interventions validées. » L’avis du HCSP est en phase avec les recommandations américaines, européennes et de l’Organisation mondiale de la santé.

Pour le volet grand public, « les données épidémiologiques, souvent de qualité insuffisante inhérente au suivi des cohortes dans la population, sont pour la plupart en faveur d’une chance accrue de sevrage tabagique sous e-cigarette, explique Ivan Berlin. C’est pourquoi nous avons laissé la possibilité d’une utilisation individuelle, selon le choix de chacun. »

Pour rappel, en 2020, 37,4 % des adultes de France métropolitaine déclaraient avoir déjà expérimenté le vapotage ; 5,4 % vapotaient dont 4,3 % quotidiennement.

Pour le Pr Daniel Thomas, cardiologue et vice-président du Comité national contre le tabagisme, le HCSP est dans son rôle. « Ce texte fait la part des choses. Un professionnel de santé qui accompagne un fumeur dans une démarche de sevrage doit avant tout utiliser des traitements qui ont fait la preuve de leur efficacité. Or, la cigarette électronique, produit de consommation courante, ne possède pas de preuves d’efficacité et d’innocuité suffisamment solides à moyen/long terme pour la considérer comme un outil privilégié de soin. » Pour autant, « la vape n’est pas ostracisée, salue-t-il, et il est bien précisé qu’elle peut s’avérer utile chez certains publics. Il manque probablement en effet une recommandation spécifique dans cet avis national guidant le médecin amené à suivre des patients utilisant déjà la vape. »

La vape, toujours au cœur de la polémique scientifique.

Il faudrait se placer au-delà de la science, complète le pneumologue, Frédéric Le Guillou :  « Cela fait partie du service médical rendu au patient, même hors prescription, et dans la bienveillance : vouloir le bien de l’autre sans lui imposer sa propre version du bien (citation d’Alexandre Jollien, philosophe). Il y a l’Evidence-Based Medicine, mais également l’Evidence-Based practice medicine, qui repose sur les sciences humaines et cognitives, complémentaire de la médecine, et pour une approche humaniste du soin. »

Le HCSP quant à lui précisant que : « On peut faire l’hypothèse que la consommation (de cigarette électronique) seule est moins à risque que la consommation de tabac, mais plus à risque que l’absence de consommation ».

L’aérosol de la vape ne contient pas les nombreuses substances chimiques irritantes, toxiques et cancérigènes de la fumée de tabac comme les goudrons ou le monoxyde de carbone (de 9 à 450 fois moins). Une étude publiée en janvier 2021 par l’Institut Pasteur a établi que « les aérosols générés par les cigarettes électroniques contiennent moins de 1 % des toxiques retrouvés dans la fumée de cigarette ». Cependant, ces derniers contiennent certaines substances que l’on ne trouve pas dans la fumée de cigarette ; les études sur ce point sont inexistantes.

En 2019 aux États-Unis, les académies nationales de sciences, ingénierie et médecine ont conclu, d’après les tests toxicologiques in vitro et les études humaines à court terme, qu’utiliser la cigarette électronique est probablement beaucoup moins dangereux que le tabagisme. En juillet dernier, l’OMS a cependant répété que les cigarettes électroniques pouvaient être « dangereuses » et devaient être réglementées.

En attendant des données plus solides, les sociétés scientifiques se sont positionnées, en 2019 de la Société francophone de tabacologie (SFT) et de la Société de pneumologie de langue française (SPLF). Dans un communiqué commun, affirment que « la cigarette électronique est probablement une aide efficace pour arrêter de fumer, à condition qu’elle soit utilisée de façon transitoire (en l’absence de donnée précise sur ses effets à long terme) en vue de l’arrêt de la consommation tabagique. »
L’Institut national du cancer (InCA) tenant des propos similaires en 2021.

Le HCSP propose la mise en place sans délai d’un système de recueil des symptômes, et des problèmes de santé, associés à l’utilisation grand public de la cigarette électronique. « Aucune étude publiée ne rapporte, par exemple, les effets indésirables graves de manière systématique », indique Ivan Berlin du HCSP.

Le vapofumage fait au moins le consensus.

Le « vapofumage » (vapoter tout en continuant à fumer) est formellement déconseillé dans toutes les situations, et qu’en cas d’utilisation de la cigarette électronique dans le cadre d’une démarche de sevrage, il est important d’arrêter complètement de fumer du tabac. Ce point met tout le monde d’accord, et renforce justement le rôle du professionnel de santé dans le suivi des vapofumeurs.

« À juste raison, le HCSP s’inquiète du taux de vapofumeurs », souligne le Pr Dautzenberg. « Le vapofumage ne réduit pas le risque sanitaire et persiste lorsque l’on laisse le fumeur sans encadrement médical, sans conseil pour qu’il devienne rapidement vapo-substitué ou vapoteur exclusif. Si certains – trop – de fumeurs restent longtemps vapofumeurs c’est à mon avis parce que les professionnels de santé ne s’en sont pas suffisamment occupés (prescription de substituts nicotiniques, etc.). La persistance du vapofumage est le plus souvent due à un sous-dosage du taux de nicotine des e-liquides. Selon mon expérience, lorsqu’un médecin prend en charge un vapofumeur, les chances de sevrage – dans un premier temps de la cigarette puis dans un second temps de la vape – sont bien supérieures. »

le Pr Thomas précisant : « une condition sine qua non est un vapotage exclusif, après une éventuelle phase de vapofumage transitoire, relativement courte. Étant donné que l’on ne connaît pas les risques du vapotage à long terme, le meilleur conseil est d’arrêter de vapoter également à court ou moyen terme quand le sevrage de la cigarette paraît acquis. Or, plus de la moitié des vapoteurs restent des « vapofumeurs », avec une fausse illusion de moindre danger. »
La cohorte PATH et la revue Cochrane constatent en effet que beaucoup de vapoteurs n’ont pas utilisé la cigarette électronique dans l’optique préconisée de sevrage tabagique, mais dans celle d’une réduction de risque.

En effet, la cigarette électronique, bien qu’étant un produit de consommation courant, est bel et bien, un outil d’aide au sevrage tabagique, et par conséquent s’inscrit dans une démarche d’arrêt du tabac qui se doit d’être accompagné dans de nombreux cas, par un professionnel de santé pour maximiser les chances de réussite.

Sources : Hélène Joubert pour Santé Respiratoire France.

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