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Vape et crise cardiaque : des scientifiques dénoncent une étude biaisée

Vape et crise cardiaque des scientifiques dénoncent une étude biaisée

Le 6 novembre 2023, une étude du Dr Talal Alzahrani a conclu qu’il existait un lien entre vape et infarctus du myocarde, ou crise cardiaque. Face aux biais méthodologiques flagrants de l’étude, 6 chercheurs ont rédigé, en janvier 2024, une critique scientifique, la réfutant de part en part. Comme bien d’autres avant eux, ils alertent sur les dangers de tels articles, volontairement à charge contre la vape.

L’étude originale du Dr Alzahrani liant vape et crise cardiaque : présentation, méthodologie et résultats

L’étude en question, « Electronic Cigarette Use and Myocardial Infarction » ou « Utilisation de la cigarette électronique et infarctus du myocarde » a été publiée le 6 novembre dernier sur le journal scientifique Cureus (1).

Son auteur, le Dr Talal Saeed Alzahrani, est cardiologue à l’hôpital de Madinah, en Arabie Saoudite, et est déjà connu pour une précédente publication à charge contre la vape, datant de 2018 (2). Liant vape et crise cardiaque, cette dernière avait d’ailleurs fait l’objet d’une critique scientifique de la part du Dr Konstantinos Farsalinos ainsi que du Dr Raymond Niaura pour ses tendances à généraliser sans preuve (3).

Dans son dernier article de novembre 2023, le Dr Alzahrani a une nouvelle fois tenté de démontrer le lien entre l’usage de la cigarette électronique et l’infarctus du myocarde, en se focalisant cette fois uniquement sur les vapoteurs « exclusifs », soit n’ayant jamais fumé de cigarettes.

Pour ce faire, le Dr Alzahrani s’est appuyé sur les données de 2014 à 2021 de l’Enquête nationale de santé (ou National Health Interview Survey, NHIS) aux États-Unis. Il a retenu plus de 139 000 personnes au total, soit tous ceux ayant répondu « non » à la question « avez-vous fumé au moins 100 cigarettes au cours de votre vie ? ».

Sur cet échantillon final, il a ensuite distingué les non-utilisateurs de vape (139 697 personnes, soit 99 % de l’échantillon) et les utilisateurs dits actuels (1 237 personnes, soit 1 % de l’échantillon).

En analysant leurs réponses à plusieurs questions de santé, portant sur l’hypertension, le diabète, le cholestérol, l’obésité, et enfin, l’infarctus du myocarde (« Vous a-t-on déjà dit que vous aviez eu… », réponse oui/non), le Dr Alzahrani a ainsi conclu : « les utilisateurs actuels de cigarettes électroniques présentaient un risque 2,6 fois plus élevé d’avoir un infarctus du myocarde, après ajustement des variables en fonction du sexe, de l’âge, de l’hypertension, du diabète, de l’hypercholestérolémie et de l’obésité/surpoids ».

Une conclusion loin d’être partagée par six autres de ces confrères, qui ont alerté, en commentaire de l’étude (4) : « nous craignons que les méthodes utilisées dans l’étude Alzahrani rendent les résultats rapportés très suspects et que la conclusion obtenue soit improbable. Cela inclut : 1) des problèmes de temporalité ; 2) des problèmes de mesure, de diagnostic et de plausibilité biologique ; 3) des préoccupations concernant la taille de l’échantillon ; 4) des problèmes de conception du modèle ; et 5) un langage imprudent ».

Vape et crise cardiaque : une étude biaisée, réfutée par 6 scientifiques

De cette étude de 2023 liant vape et crise cardiaque, ces six chercheurs internationaux ont beaucoup à redire. À commencer par le titre, qui semble bien résumer l’intention de l’auteur.

En réponse à celui du Dr Alzahrani, qui présente une potentialité comme une vérité absolue, les chercheurs rappellent l’importance du questionnement, pilier d’une bonne recherche scientifique.

Dans leur contre-étude, intitulée « Does E-Cigarette Use Increase the Risk of Myocardial Infarction ? » ou « L’utilisation de la cigarette électronique augmente-t-elle le risque d’infarctus du myocarde ? », ils reviennent ainsi sur les nombreuses limites observées dans l’étude originale.

1.     Un lien causal plutôt bancal

Pour le Dr Alzahrani, c’est certain : la vape cause des infarctus du myocarde. Ses preuves ? Toute personne ayant à la fois répondu « Certains jours/Tous les jours » à la question « Utilisez-vous des cigarettes électroniques ou d’autres produits du vapotage tous les jours, certains ou pas du tout ? » et « oui » à la question « Vous a-t-on déjà dit que vous aviez eu une crise cardiaque, également appelée infarctus du myocarde ? ».

Or, comme le rappellent justement les six chercheurs, il s’agirait d’abord de se demander « qu’est-ce qui est venu en premier : l’usage de la cigarette électronique ou les crises cardiaques ? ». Un point que l’auteur ne s’est pas donné la peine d’aborder, mais qui s’avère pourtant de la première importance ! Et qui, du fait de son absence, invalide déjà ses conclusions.

D’autant plus que, comme l’indiquent ces six chercheurs, une autre étude de 2019 [Bhatta & Glantz] liant vape et crise cardiaque a déjà été retirée en 2020 du Journal of the American Heart Association pour cette même raison (5)

2.     Une analyse bâclée

Deuxième problème de taille : l’étude du Dr Alzahrani exclut tout examen de la durée et de la fréquence d’utilisation, se contentant d’une mesure binaire (« oui » ou « non ») pour étayer ses conclusions.

Autrement dit, comme le notent les six chercheurs, l’auteur ignore « deux des facteurs les plus importants pour évaluer les risques pour la santé liés à l’utilisation de la cigarette électronique, en particulier pour une issue telle qu’une maladie cardiovasculaire ».

Aussi, plutôt que de demander les antécédents médicaux détaillés, nécessaires à tout bon diagnostic, le Dr Alzahrani tire ses conclusions d’une poignée de questions généralisantes et simplistes, à deux réponses (« oui » ou « non »).

Qu’importe, comme l’indiquent les six chercheurs, qu’aucune donnée clinique ne soit fournie pour en attester, sachant que de telles maladies cardiovasculaires sont reconnues rares chez certains groupes d’âge pourtant cités par le cardiologue – les jeunes notamment – et qu’elles pourraient s’expliquer par de nombreux autres facteurs que l’usage de la e-cigarette (drogues, médicaments, antécédents familiaux…), non pris en compte dans l’étude.

Sans oublier, plus simplement, que « les conclusions d’Alzahrani ne sont pas cohérentes avec l’ensemble des preuves existantes », notent les six chercheurs après avoir regroupé les études scientifiques effectuées à ce sujet.

3.     Un échantillon faussé

Au-delà des différents biais d’analyse énoncés, les six chercheurs s’inquiètent des « omissions flagrantes » du Dr Alzahrani sur son échantillon de base, notamment « le nombre brut d’adultes du groupe utilisant la cigarette électronique et ayant déclaré avoir subi une crise cardiaque, ainsi que la répartition par âge de ces événements, dont aucun n’a été signalé ».

Les scientifiques ont donc ré-analysé les données du NHIS, sur lesquelles s’est appuyé l’auteur et ont constaté une finalité bien différente. Ils écrivent : « si l’échantillon total comprend effectivement plus de 139 000 répondants, seulement 12 répondants sur 1 237 concernés par le groupe d’utilisateurs actuels de cigarettes électroniques ont déclaré avoir eu un infarctus du myocarde, soit un taux d’événements non pondéré de 1 % ».

Outre le fait qu’il est impossible de savoir si cet événement est directement lié à l’utilisation de la vape, le chiffre est tellement faible qu’il ne peut donc en aucun cas être présenté comme une preuve absolue !

En résumé

Au regard des critiques émises par ces six chercheurs, tout semble donc indiquer que le Dr Alzahrani a volontairement pris soin d’élaborer un modèle de conception et d’analyse lui assurant d’obtenir de telles conclusions, faussement alarmantes. Biaisant, de fait, la totalité de son étude.

En octobre 2023, le Pr Dautzenberg et cinq autres experts français de la lutte antitabac alertaient déjà sur les dangers de ces publications « qui généralisent sans cohérence », réfutant pas moins de 23 études mensongères sur l’effet passerelle de la vape vers le tabac.

Pourtant, malgré de sévères biais méthodologiques, flagrants de surcroit, de telles études se retrouvent encore approuvées par les éditeurs, puis publiées dans des revues scientifiques de renom. Comme c’est tristement le cas ici, avec l’étude du Dr Alzahrani…

 

Sources :

(1) Talal Alzahrani, Electronic Cigarette Use and Myocardial Infarction, Cureus, 2023, 15(11). DOI : 10.7759/cureus.48402

(2) Talal Alzahrani, Stanton A. Glantz, The Association Between E-cigarette Use and Myocardial Infarction Is What One Would Expect Based on the Biological and Clinical Evidence, American Journal of Preventive Medicine (AJPM), 2018. DOI : https://doi.org/10.1016/j.amepre.2018.11.006

(3) Konstantinos Farsalinos, Raymond Niaura, E-cigarette Use and Myocardial Infarction : Association Versus Causal Inference, American Journal of Preventive Medicine (AJPM), Volume 54, Issue 4, avril 2019. DOI : https://doi.org/10.1016/j.amepre.2018.11.013

(4) Floe Foxon, Riccardo Polosa, Ray S. Niaura, K. Michael Cummings, Michael Siegel, Neal Benowitz, Does E-Cigarette Use Increase the Risk of Myocardial Infarction ? Pubpeer, 2024. URL : https://pubpeer.com/publications/CD0E2CD6E82EB2F69173F5A1193331#1

(5) Retraction to : Electronic Cigarette Use and Myocardial Infarction Among Adults in the US Population Assessment of Tobacco and Health, Bhatta & Glantz 2019, Journal of the American Heart Association, 2020. DOI : https://doi.org/10.1161/JAHA.119.014519

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